Andreas Latzsko par Gabriel Reuillard

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Andréas Latzsko
Cette tête rasée, emmanchée au bout d'une longue carcasse osseuse, n'est-elle point l'image même de la Douleur comme exposée à la manière antique des suppliciés dont les barbares présentaient les sanglants trophées à la foule ivre de carnage ?
C'est, qu'en effet, Latzsko est un des vaincus de la guerre, vaincu avec sa patrie et son peuple, il l'eût été encore jusque dans la victoire la plus incontestable de ceux-ci, car pour lui toute guerre, en anéantissant de chaque côté des frontières — des barricades —- des êtres faits pour échanger les produits de leur sensibilité et de leur intelligence et non des coups — pour lui, dis-je, toute guerre est fratricide.
Déjà connu avant la guerre à Budapest où il est né -et à Vienne, Berlin, Munich, où Max Reinhardt avait monté et joué plusieurs pièces de lui, ce n'est qu'après le succès mondial des "Hommes en guerre" (dont Mme Magdeleine Marx (1) a donné en français une excellente traduction) que Latzsko a connu la célébrité à laquelle son immense talent lui donne droit.
Si certaines particularités de sa naissance, de sa culture marquent son œuvre, ce n'est cependant pas- à : un écrivain étranger que nous avons affaire ici, car Latzsko est tout frémissant des sentiments humains dont l'expression forme le fond de la littérature en toutes langues. Et l'exemple de Montesquieu recommandant de substituer l'intérêt général à l'intérêt particulier, Latzsko Je suit. Il pense et dit comme l'ancêtre qu'il faut placer l'intérêt de la famille au-dessus de celui de l'individu, l'intérêt de la patrie au-dessus de celui de la famille, l'intérêt de l'humanité au-dessus de celui de la patrie. Par cette conception du rôle éducateur de l'écrivain il rejoint, à travers lies temps et les races les grands classiques Universels.
Et universel, ii l'est, en effet : ses livres — surtout ses deux livres de guerre — traduits;en plus de douze langues, ont répandu, sa renommée dans toutes les patries et lui ont conquis des amis dans tous les centres où des hommes pensent et vibrent à son unisson.

Gabriel Reuillard


Paris-Soir, 22 mars 1924.

(1) Il existe trois éditions concurrentes en français de ce livre, la première de (H. Mayor pour les éditions F. Wyss, 1918), la deuxième de Magdeleine Marx (E. Flammarion, 1920), la troisième de 1994 (voir ci-dessous). (Note du Préfet maritime.)


Andreas Latzko Hommes en guerre, traduit de l'allemand par Martina Wachendorff, Henri-Frédéric Blanc, introduction de Romain Rolland, avant-propos de Henri Barbusse, postface de Marcel Martinet. - Agone, 155 p^., 16 €

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