Habitants que nous sommes

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Il y a un léger paradoxe à évoquer Habiter de Sereine Berlottier au coeur de l'été, époque où l'on déshabite, justement, pour habiter-un-peu une tente, une caravane, une maison amie ou une chambre d'hôte.
C'est aussi le moment où l'on prend le temps de se poser, de réfléchir et l'interrogation servie par l'exemple et le fragment de proses que nous propose la poète est la bienvenue.
L'absence de nos aires, de nos grottes et de nos paillasses nous rend submersibles tout à fait à la problématique abordée. Nous ne sommes plus dans nos meubles et voilà que se presse la question : qu'est-ce qu'être en ceux-ci ?
Répondant par des "Traces & trajets" - c'est le sous-titre de cet Habiter auquel on pourrait ajouter "transmissions", puisqu'il est question aussi de cette incapacité que l'on a parfois à recevoir une maison qui nous est échue -, par des moments, des songeries, des mouvements et des rappels aux éléments du décor qui forgent nos existences, c'est le livre du home intime que nous apporte Sereine Berlottier.

Imaginons un livre qui ferait le récit d'un amour par la traversée de ses chambres, la première chambre, une chambre sans caractère dans un hôtel de campagne, les chambres étrangères, en voyage, l'appartement dans un immeuble du XVIe siècle, dans le quartier Saint-Jean de Lyon et pour chacune de ces chambres l'emplacement du téléphone, la petite table sur laquelle l'appareil est posé, le sol, parqueté, et la longueur du fil qui permet que la voix s'emporte jusq'ua u lit, mais ce récit tu ne le feras pas, car de ces chambres ta mémoires défaillante n'a presque rien sur retenir.

On trouve dans ce livre aussi des citations, des évocations d'habitants célèbres, comme Kamo No CHomei et sa "cabane de moine". Et puis l'inévitable Bachelard qui poétisa l'espace et propagea une vision sévère du nid qu'il jugeait une "une puérilité". Sereine Berlottier compile et pense, nous promenant à travers cent habitats, camps, cellules et ruines, appartements ou maisons, cherchant le lieu favorable, enjeu des bonnes vies.

Les maisons de passage. On ne réussit à y inscrire que des empreintes partielles, indécises, troublées par le désir qu'on aurait parfois de s'y enraciner plus profondément, d'une inscription rouée à s'approfondir, se transformer, dans une durée pacifiée, partageable.
Ce noeud de broussailles percées, qu'épuisent les restes d'enfance, ou plutôt ce qui d'enfance s'obstine sous la forme du manque.




Sereine Berlottier Habiter. Traces & trajets. illustrations de Jérémy Liron. - Les Inaperçus, 137 pages, 17 €

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