Il y a, surtout dans ce XXe siècle communément appelé le Siècle de la vitesse, beaucoup de vies soumises au changement. La mienne n’est pas de ce nombre. Il m’est arrivé de le regretter. Lorsque j’étais plus jeune,je me suis souvent révoltée contre la monotonie de l’existence, l’absence d’événements, la régularité des habitudes et l’uniformité des jours. Aujourd’hui je me rends compte que ce sont là des apparences, et que la vraie richesse intérieure, voir le drame profond peuvent coexister avec le plus grand extérieur. L’âge, s’il m'a dépouillé de bien des choses, m’apporté une expérience dont je me flatte, et une connaissance — je n’ose dire de sagesse — dont j’étais bien éloignée en mes jeunes ans. Un de mes passe-temps favoris, maintenant que je ne sors plus guère et que nombre d’activités me sont interdites, consiste à revivre le passé avec mes yeux et mon coeur d’aujourd’hui. Occupation parfois décevante. (...)
Claude Fayet Lucuspin. — Paris, Plon, 1955.