Wain voyageur en colère

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John Wain, voyageur en colère

Parmi ceux qui, voici quelques années, étaient, à tort ou à raison, surnommés les « Jeunes gens en colère », l’un des plus brillants, des plus solidement doués, John Wain, dont nous avions lu alors les Diplômes de la vie (1à, vient de passer quelques jours à Paris pour la sortie des Rivaux (2).
Il est descendu dans un élégant hôtel de la rive gauche, en compagnie de sa femme et de William, son fils. Plus que de ses oeuvres qui ont mis cet homme de 37 ans au premier rang des écrivains de son époque, John Wain est fier de ce fils dont l’expression, le regard lumineux reflètent la rayonnante personnalité du père. Dans les rues de Paris où l’aimable trio aime à se promener, Wain se coiffre d’un étonnant couvre-chef en cuir auquel il tient énormément.
— Introuvable aujourd’hui, dit-il. C’est la casquette que portaient les chauffeurs de taxi de Chicago en 1925.
Dans la chambre qui lui sert de foyer temporaire, il abandonne cet objet historique et, le col ouvert, étendu sur le lit, il parle à bâtons rompus tandis que le jeune William (deux ans) barbote dans son bain en chantant.
— Nous arrivons du Canada, de Stratford (Ontario), qui s’enorgueillit d’un théâtre élisabéthain inspiré du Stratford anglais. j’y ai donné pendant deux mois des conférences sur Shakespeare. Expérience exténuante qui, chaque jour, me vidait de toute substance. Expérience profitable qui m’a guéri à tout jamais de l’idée de revenir à l’enseignement.
On sait que ce romancier vigoureux et prenant professa quelques années à l’université de Reading :
—Je tiens avant tout à conter une histoire et non des souvenirs ou des impressions personnelles. Ce sont les problèmes du coeur qu eje m’efforce d’étudier, m’attachant à découvrir la vraie nature des personnages sous les apparences.
Auteur de cinq romans, il est et reste poète avant toute chose. Essayiste aussi, critique et collaborateur des meilleurs périodiques anglais et américains, il vient de publier une autobiographie, l’un des ouvrage sles plus appréciés d el’année en Angleterre. Activité démesurée ? non : insuffisante pour lui.
— C’est par les contacts et non par les livres que je veux connaître le monde et les hommes.
Aussi voyage-t-il sans cesse. Lors de notre dernière rencontre il partait pour la Russie.
— J’y allais pour profiter de mes droits d’auteur que les Russes ne permettent pas d’exporter. Je ne suis pas resté assez longtemps pour tout dépenser. Je suis revenu excédé d’être constamment accompagné d’anges gardiens. Cet automne, je resterai en Europe. La revue Encounter a décidé d’y faire voyager un sociologue, un philosophe, un homme de lettres. Je serai celui-là, pour y saisir la physionomie de quelques villes de notre choix et la faire au peuple britannique que la perspective du marché commun bouleverse au-delà de toute imagination.
Ses autres projets ? Terminer une pièce de théâtre, et c’est le travcail qui lui tient le plus à coeur en ce moment. Ecrire un nouveau roman dont l’idée a germé au cours de ce séjour parisien. Le protagoniste sera un écrivain anonyme, un « nègre », qu’un éditeur charge d’écrire sur les sujets les plus divers des livres auxquels des écrivains connus prêtent leurs noms.
— Pathétique n’est-ce pas ! conclut le romancier-poète.
Annie Brierre.



(1) Hachette.
(2) Gallimard.



Les Nouvelles littéraires, 8 novembre 1962.



John Wain Hurry on down’’. Les vies de Charles Lumley'', traduction de l'anglais (Angleterre) de Anne Marcel, révisée par l’éditeur. — Marseille, les Éditions du Typhon. 2018.
John Wain Et frappe le père à mort, traduction de l'anglais (Angleterre) de Paul Dunand, révisée par les éditeurs. — M., les Éditions du Typhon, 2019.





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