Il a de faux airs de Naguib Mahfouz. Stelio Mattioni (1921-1997) est l’un de ces entrepreneurs écrivains qu’a enfantés avec obstination Trieste, la ville de l’entre-deux.
Traduit avec parcimonie en français, il n’est permis aux lecteurs strictement francophones que de lire Les Métamorphoses d’Alma, une bénédiction sans âge, qui évoque tout à la fois quelques romanciers français du siècle dernier dans leurs brumes indolentes et un Saramago universel.
Lira-t-on un jour de nouvelles oeuvres de Mattioni en français ? (1)
Dans le jardin lapidaire, ayant perdu tout sens de l’orientation, j’errai au milieu des restes de toutes les époques, chapiteaux, sarcophages et colonnes brisées. Une forte odeur de terre et d’herbe m’étourdissait. D’en haut, je voyais la ville montrer et descendre comme si elle n’eût pas été la ville où j’étais né, où j’avais vécu et où je me trouvais, parsemé d’emblèmes et de tables de pierre, sur lesquelles étaient gravés de diverses manières des messages, des dates et des noms qui, ainsi disposés les uns à côté des autres, loin de communiquer quoi que ce soit n’engendraient que monotonie — une scansion anonyme et sans fin. Pourtant, il y avait dans l’air un élan vital qui m’incitait à bouger et à respirer profondément. Je devais regarder dans le jardin de Lia. Dans quel but, je n’en savais rien, ni si cela pouvait influer sur le présent ou sur l’avenir, étant donné que mon retour à cet endroit, qui m’avait été suggéré par une vieille photographie, pouvait seulement avoir la signification d’une célébration. Tout, autour de moi, était extrêmement vague, comme en train de se former, et je sentais que je n’avais pas la force de résister.
Stelio Mattioni Les Métamorphoses d’Alma. Traduit de l’italien par Jérôme Nicolas et préfacé par Mario Fusco. — Paris, Fayard, 1992.
(1) Ne négligeons pas cette autre traduction La plus belle du royaume (trad. J. Nicolas, Fayard, 1994).