L'écart entre ces pensées et le travail assez mécanique que j'accomplissais était grand, mais je n'en souffrais pas. Désormais, mes velléités ambitieuses d'écrivain étaient loin : je trouvais même une certaine beauté à ce travail obscur qui consistait à choisir des informations et à recueillir des faits relatifs aux sujets qui m'intéressaient le plus. Et je m'indignais de voir pleuvoir à la rédaction des livres médiocres signés par des femmes, véritables parodies des livres masculins les plus à la mode, dictés par une vanité encore plus sotte que celle des poupées mondaines, dont l'éditeur publiait les photographies des appartements moderne style. Comment ces "intellectuelles" ne comprenaient-elles pas que la femme ne peut justifier son intervention dans le champ déjà obstrué de la littérature et l'art, sinon par des oeuvres fortement marquées de sa propre empreinte ?
SIbilla Aleramo Une femme. Traduction collective. — Paris, Des Femmes, 2021, 256 pages, 8 €