Les Tortues (chapitre I)

MASSON-TORTUES-COUVERTURE-500.jpg


Nous avons été je crois bien, à bord de la Rose de Mahé, les derniers vrais aventuriers de ce coin du monde. Maintenant j'en ai fini avec la mer. Je lui ai tourné le dos, à jamais. Je me garde loin des ports avec leurs rumeurs aigres, leurs tavernes, leurs bassins à radoub où l'esprit de voyage est assis parmi les charpentiers. J'habite dans les collines, au milieu des vanilliers. Au printemps, quand la terre rouge de mon pays est ointe d'une huile de grâce et qu'il faut, plant après plant, nouer ces fleurs au pollen trop timide pour qu'il y entreprenne lui-même la tâche de fécondation, je propose mes services aux planteurs. C'est presque le seul moment où je sors de chez moi, à part quelques courses inévitables ; et je ne me fais pas payer. Les planteurs m'apprécient. Ils disent que sans moi la saiso ne serait pas tout à fait la saison ; ils savent que j'en serai le bon gardien en mes bons. J'en ai de mauvais où je vois, où j'ai même de terribles crises; mais on me pardonne à cause de mes malheurs...
(...)





Loys Masson Les Tortues. — Talence, L'Arbre vengeur, 2021, « L’Alambic », 306 pages, 17 €

Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

Ajouter un rétrolien

URL de rétrolien : http://www.alamblog.com/index.php?trackback/4881

Haut de page