Sans attendre que le Printemps des poètes nous assomme de ses mièvreries annuelles, sortons le vieux MacDiarmid de son ombre.
Traduit par Patrick Reumaux, on sait ce que cela signifie. (Pour ceux qui l'ignoreraient, précisions que cela est synonyme de goûteux et d'original, un peu comme un whisky de dix-huit ans d'âge).
MacDiarmid, que nous annoncions il y a quelques mois parce que nous ne pouvions pas masquer notre impatience, écrivait en scot et en anglais car il s'était aperçu qu'il parvenait à "exprimer des choses littéralement inexprimables en anglais". Son traducteur précise : "Que voit-on quand on se promène dans les Hautes-Terres, où les pins sont tordus, les bouleaux rabougris, où l'eau calpote sinistre au bord des lochs, où le ciel, qui a une sale trogne, écrase sous de lourdes semelles noires de vent, les étendues de bruyères ? Rien. On en voit rien. Ou, plus exactement, presque rien : des lueurs, analogues à celles du bout du monde, dans le Shetland. Des coins de ciel, le tas de fumier devant la ferme. La fille qui récure. Celle qui gratte le noir. Et la lune, cette folle, froide, rouge ou jaune, ou rongée par le vent. Et les barques effacées sur la mer." MacDiarmid est bien de là avec sa "langue de rien", de vaurien, comme le précise ce forban de Reumaux. Ce livre est le fruit d'une association de malfaiteurs
Dieu prend du repos
Comme un homme la nuit sort de la vie
Et tombe dans le sommeil,
Je suis dans l'temps sorti de la bonne terre sèche
pour retourner dans les grands fonds.
Plus question d'envelopper le monde comme un plaid
Pour donner du bén-être autour de mae,
Les vies des hommes seront de nouveau
Tristes comme avant, sans mae.
Vite, retourner dans la mer
D'où j'ai dans l'temps tiré la vie,
Et reposer au fond du maelström, libre
De tout ce qu'est arrivé depuis.
Hugh MacDiarmid Annales des cinq sens & autres poèmes, traduit du scot et de l'anglais par Patrick Reumaux. - Sous le Sceau du Tabellion, 2022, pages, 15 €