Plouf le banquier

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On connaissait Le Banquier anarchiste de Pessoa, voici le Banquier mouillé du journaliste et scénariste américain Herbert CLyde Lewis (1909-1950) Son histoire commence comme ça : un banquier new-yorkais, las de sa vie quotidienne, décide d'entreprendre un périple en bateau. C'est le Pacifique qui l'attire, et attiré, il l'est au point qu'il glisse sur une tache de graisse présente impudemment sur le pont du bateau et se retrouve à l'eau à une heure où personne, évidemment, ne s'enquiert de son absence.

Les pensées qui préoccupèrent Stansifh pendant ces quelques secondes relevaient étrangement moins de la peur que de la honte. Les hommes de son standing ne s'amusaient pas à tomber du pont d'un bateau en plein milieu l'océan ; cela ne se faisait pas, un point c'est tout. C'était idiot, puéril et malpoli, et s'il y avait eu quelqu'un auprès de qui s'excuser, il eût demandé pardon. A New York, on savait bien que Standish ne daisiat jamais d'histoires.

Et, de fait, la vie est mal faite car, au cours de son voyage, "pour la première fois, il s'intéressait sincèrement à des inconnus"...
Aussi curieuse qu'acide, la novella traduite par Fanny Quément (elle a déjà à son actif des traductions de Cosey Fanni Tutti, du groupe Throbbing Gristle, et de Leontia Flynn, poète d'Irlande du Nord), vaut le détour. On dirait bien qu'elle a été écrite par un maître de l'humour noir dont l'oeuvre se rangerait aux côtés des livres de Certains Américains bien connus des services du Rire (Ambrose Bierce, W. C. Morrow et alii). Seul l'humour ne suffit pas d'ailleurs à décrire ce texte qui bénéficie aussi d'une architecture styliste vraiment intéressante, alternant les pensées intérieures et les descriptions, d'une manière que l'on pourrait qualifier de jonglerie. Puis, bien sûr, il y a ce portrait de banquier aussi cafardeux que possible, pris par le hasard dans les rêts d'un destin qu'il n'avait jamais imaginé lui échoir. Comme, d'ailleurs, le destin de Lewis n'était mérité par personne, le menant de Charybde en Scylla, comme on va de problèmes professionnels à la banqueroute, jusqu'à sa mort, assez pitoyable, à l'âge de quarante-et-un ans... Sombrant dans l'océan de l'oubli, il aura laissé une poignée de livres, dont ce texte initial, Gentleman overboard (Viking Press), de 1937.

Lui, il ne mourrait pas comme ça, jamais. C'était difficile à dire, mais il avait du respect pour la mer il retirait toujours sa casquette en face d'elle. La mer était une étrange personne qui avait toutes sortes d'étranges idées encore pires que les siennes quand il avait bu. Les marins naviguent sur la mer et la mer dit d'accord, mais faudrait pas pousser."

A coup sûr, la découverte du mois.


Herbert Clyde Lewis Un Gentleman à la mer, traduit de l'anglais (USA) par Fanny Quément. - Paris, Rivages, "Petite Bibliothèque Rivages), 160 pages, 8 €


NB Le titre est dû à sa traductrice. Rendons à Césare, ce qui est à Césare.

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