René Bichet (1887-1912)

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Il était promis à un bel avenir. Littéraire probablement. Il est mort à vingt-cinq ans d'une overdose de morphine : René Bichet (1887-1912) se retrouve dans le catalogue à prix marqué de la librairie Anne Lamort avec un des 17 exemplaires de tête sur Japon (ici le n° 3).
Ami d'Alain-Fournier (ils sont cothurnes entre 1904 et 1906), avec Jacques Rivière, originaire de PIthiviers, voici ce qu'en dit Jean Loize dans sa biographie de l'auteur du Grand-Maulnes :

"Les deux lycéens étaient un peu « pays » : le train-brouette que prenait Fournier pour gagner La Chapelle-d'Angillon, passait par Pithiviers — pays natal de Bichet. Fils d'un typographe, Edmond Bichet, et d'une couturière, Sydonie Poirier, il avait vu le jour dans la Grand-Rue, au 43, le 27 février 1887.
Fournier et Bichet échangeront des lettres. Le ton sera tout différent des lettres à Rivière. Un droit d'aînesse de moins de cinq mois explique en partie seulement cette ironie légère, mais constante, de Fournier à son égard. Le petit Bichet, avec son fond de timidité, ses prudences de jugement, son application, irrite souvent un Fournier moins discipliné. Pourtant, ils devaient aborder bien des sujets, surtout littéraires, se faire même des confidences sur leurs projets, leurs amours... Mais rien sur leurs parents. Si Fournier avait découvert plus tôt que le cher vieux poète Bichet était aussi « de famille pauvre et presque campagnarde », il n'aurait guère modifié son attitude. Ses réserves concernaient une certaine qualité

d'esprit, sinon d'âme, de ce si bon élève, qui avait sacrifié tant de choses pour arriver à « l'École ».
Charles Péguy lui-même, ému, lui consacra des vers :

Nous venons vous prier pour ce pauvre garçon
Qui mourut comme un sot au cours de cette année,
Presque dans la semaine et devers la journée
Où votre fils naquit dans la paille et le son.

0 Vierge, il n'était pas le pire du troupeau.
Il n'avait qu'un défaut dans sa jeune cuirasse.
Mais la mort qui nous piste et nous suit à la trace
A passé par ce trcu qu'il s'est fait dans la peau.

Le voici maintenant dedans votre régence.
Vous êtes reine et mère et saurez le montrer.
C'était un être pur. Vous le ferez rentrer
Dans votre patronage et dans votre indulgence.


Oui, c'est toute une époque... Bichet, avait une voie littéraire apparemment toute tracée : son fragment du "Livre d'Orphée" parut dans la toute première NRF (n° 16), aux côtés des écrits de Paul Wenz et de François-Paul Alibert, ce qui n'est pas rien. Lui-même était professeur de français à l'Ecole royale de Budapest (après septembre 1911) au moment de son overdose. A son propos, Alain-Fournier écrivit dans une lettre à Jacques Rivière (3 janvier 1913) quelques mots sur l'opium : « Dieu aurait-il oublié quelque part un paradis terrestre, que nous n'aurions pas le droit d'y aller avant le jour du jugement. »

Anne Lamort cite un poème issu de son exemplaire en vente dont nous reprenons quelques vers : René Bichet Les Poèmes du petit B. - Paris, Emile-Paul frères, 1939.

Il pleut. Le soir s'en va dans le penchant des plaines.
Il pleut. L'ondée est lourde aux vieus manteaux de laine
Abrités sous les haites, dans la chute des faines -
Les boeufs qui labouraient dans les pentes jaunies
Sont rentrés. Les chevaux se gonflent sous la pluie
Tandis que l'Homme, en attendant une éclaircie,
Tourné le dos au vent pour allumer sa pipe,
Ecrase, dasn la boue vague où elles crépitent,
Des flaques d'eau comme une motte qui s'effrite.
C'est le soir des retours muets dans les charrettes,
Des mains lassées qui vont, lorsqu' l'âne s'arrête,
Cogner contre le bois comme un fardeau qu'on jette. Il pleut. Tous les sentiers vont aux champs. C'est le soir
Des crucifix surgis au bord des chemins noirs
Et allongés par les remous de l'ornière ;
L'angoisse de la pluie traîne au fond du soir mou. Dans les abois des chiens qui s'accrochent à vous,
Un long miserere venue on ne sait d'où.



Et voici comment la presse relata l'épisode de l'overdose :

Tué par une piqûre de morphine
Un professeur français résidant à Budapest, de passage à Paris, M. René Bichet, sortit il y a deux ans de l’éeole normale supérieure, est mort des suites d’une piquùre de morphine que lui fit un de ses amis.
Tous les ans, les anciens normaliens sont conviés à une fête qu’organise l’Ecole et beaucoup d’entre eux n’hésitent pas, où qu’ils soient, à faire le voyage de Paris pour y assister.
C'est ainsi que M. Bichet, vint cette année pour prendre part à la fête. Il se lia ainsi avec un élève, Jean Bourget, âgé de vingt-cinq ans, qui lui confia que neurasthénique, il trouvait un grand soulagement à son mal en se piquant à la morphine. M. Bichet j se laissa entraîner dans un hôtel de la rue de Vaugirard, où son nouvel ami lui fit une piqûre. Immédiatement, le professeur s’évanouit.
Effrayé, Bourget après avoir essayé de le ranier. Le garçon de fhôtel trouva M. Bichet qui râlait ; on le transporta à l’hôpital de la charité où il succomba.
M. Cossin, commissaire de police, a arrêté et inculpé d’homicide par imprudence, Jean Bourget.

La Gazette d'Aïn-Temouchent, 9 janvier 1913)


On peut voir aussi : "René Bichet, poète de la terre", par Robert GIraud (Le Pays libre ! : organe du Parti français national-communiste (puis) hebdomadaire de combat du mouvement national collectiviste français, (22 août 1943, page 4).

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