Châteaux, ombres, casques et têtes de poulpes

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Contre toute attente, l'année 2024 sera fameuse, et trois premiers livres viennent nous en assurer. Quelles que soient les âneries que produisent de conserve le président, son premier ministre et sa ministre de la culture, ils n'auront pas raison de notre joie ! A la pensée que nous allons bénéficier de moments délicieux grâce à trois éditeurs, Corti, Lux et Bourgois, et à leurs auteurs, Peake, Walpole et Prunetti, que nous remercions ici au passage, notre coeur s'esjouit !
Reprenons la chronologie des faits : d'abord José Corti réédite Le Château d'Otrante, un titre emblématique de la maison fondée par José Corti (il a d'abord la première fois en 1943), mais aussi roman fondateur d'un genre en soi, le roman noir, ou "gothique". Cela ne fera pas malplaisir à ses exégètes, Annie Le Brun et Elisabeth Durot (1).
Ensuite, et nous radotons, comme vous ne manquerez pas de nous le signaler, parce qu'avec son Odyssée Lumpen, l'Italien Alberto Prunetti a toutes les qualités pour défrayer la chronique dans le domaine de la littérature contemporaine - et nous verrons en cette occurence à quel point le monde de la critique et de la librairie françouais sont sains d'esprit... Après Amianto (Agone, 2019), Prunetti nous livre un étonnant roman-récit de prolétaire tendu comme un élastique de string, varié comme un costume d'Arlequin, fantasque comme un roman d'aventures (il l'a placé sous l'influence de Stevenson !) Entre les pratiques ultralibérales de l'époque Thatcher, l'ombre des statues vaudoues et la présence inquiétante d'un grand propriétaire fantomatique à une tête de poulpe, on constate qu'il ne s'agit pas simplement d'un reportage en terre de pizzérias turques et de cantines scolaires... Vous l'avez compris, on se régale avec Prunetti, un drôle de zig, vraiment plein d'humour.
Avec ça, ne voilà-t-il pas que l'on nous ressert Le Cycle de Gormenghast de Mervyn Peake, justement ! Une sorte de mélange de Walpole et... d'autre chose. Le premier volume du cycle, Titus d'Enfer, a tout juste reparu... Ceux qui ne l'auraient jamais reniflé, foi de Préfet maritime, auraient tout intérêt à y jeter une narine.



(1) Elisabeth Durot-Boucé, Horace Walpole, L'Arlequin de Strawberry Hill, Rennes, Travaux d'investigation et de recherche, 2020, 446 pages, 19 €


Horace Walpole Le Château d'Otrante, traduit de l'anglais par Dominique Corticchiato. préface Paul Eluard. - Paris, Corti, 2024, 248 pages, 21 €

Mervyn Peake Le Cycle de Gormenghast. 1 : Titus d'Enfer, traduit de l'anglais par Patrick Reumaux, version révisée par Nestor Habasque, avec une préface inédite de la fille de l'auteur, Clare Penate et une introduction inédite de Neil Gaiman - Paris, Christian Bourgois, 591 pages, 25 €

Alberto Prunetti Odyssée Lumpen, traduit de l'italien par Anne Echenoz. - Montréal, Lux, 216 pages, 18 €

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