Joël Cornuault et la chronique


On ne se fournit pas la feuille de Joël Cornuault, on l’attend.
Cet homme est, à sa manière, un glaneur.
Libraire, éditeur, écrivain, il offre lorsqu’il en a l’envie ses écrits à ceux qu’il a choisi de servir.
C’est très bien comme ça. C’est même mieux comme ça : à coup sûr, ses chroniques en prennent un poids tout particulier. Une manière d’appréhender notre environnement d’une manière toute attentive, toute réfléchie.
Nous avions ce matin l’intention de relever dans la presse quelques sujets littéraires (nous sommes jeudi, jour de la grand-messe papetière) et, finalement, c’est aux Notes de Phénix reçues il y a quelques semaines que nous nous arrêtons. Parce qu’il n’y est question ni du prochain grand écrivain anglais, ni des meilleures ventes du mois passées, ni des états d’âme de sots pisse-mots autosatisfaits (pas de nom) tout occupé à obéir aux injonctions de l’industrie. Où les chroniqueurs en liberté ?
Qu’il soit donc dit qu’en novembre 2006, Joël Cornuault, héritier d’une longue lignée d’auteurs périodiques solitaires dont nous écrivons ces jours un aperçu historique, mais oui, livrait “Un mot sur Simone Weil & la mentalité de parti”, auquel était joint “Frère chevreuil”. Incipit :

Quand j’avais dans les seize ou dix-sept ans, l’idée de groupe, de communauté, d’association élective, était partout répandues dans l’air que respirait la jeunesse consciente, et celle des partis politiques, spontanément discréditée. Il existait des “comités”, des groupuscules, des organisations, mais leur influence limitée fut exagérée après coup par la presse et les enquêtes sociologiques. (…) Prononcer une seule phrase vraiment belle, vraiment juste, naïve ou inconditionnée, “arrachée aux forces de l’ombre”, disait Benjamin, revient à entretenir un authentique espoir.

Les écoles de journalisme pourraient prendre à cette source la mesure de la déchéance d’une façon de relater le quotidien, l’anecdote, la nouvelle. Foin de la nouveauté, l’irruption d’un brocard dans le paysage a cela d’important qu’il nous glisse dans l’enveloppe que nous n’aurions pas dû quitter.
Joël Cornuault a cette sensibilité paisible, cette authenticité et cette sincérité qui ravale au rang de bignoles les gesticulateurs du journalisme littéraire vulgaire, c’est-à-dire commun, c’est-à-dire prétentieux et vain qui se fait, par exemple, une gloire de signaler qu’à Venise, tel café dispose de la technologie wifi pour poster ses billets blogaux (parce qu’il va à Venise ! Mazette, quelle aventure !)
En somme, et en toute discrétion, Joël Cornuault est autrement efficace pour nous rappeler que nous sommes des êtres pensants, émus et, parfois, émouvants.
Merci.

Notes de Phénix. Choses ardentes dites paisiblement (novembre 2006).

Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

Haut de page