Ruines de Paris (billet de saison)

HRRuines.jpg





Tandis que Venise s'enfonce, Paris se ruine, c'est bien connu.

D'ailleurs, depuis que le peintre parisien Hubert Robert (1733-1808) est devenu le spécialiste des vues de ruines, pré-romantique qu'il était, on n'a guère vu de décennie sans son récit des ruines de Paris. Il est vrai que le XIXe siècle ne manqua guère d'occasion de casser des cailloux, de démantibuler la voirie, ou de trouer de la façade.

En cette période de rentrée, de retour au chagrin, il nous a paru utile d'imaginer une ville envahie par les ronces et le lierre, une ville pleine de trous, une cité qui donnerait à ses atours une allure exotique - un exotisme de planète des singes, il est vrai, un peu comme Lélio de Mûval décrit Lille dans son Apocalypse merveilleuse, roman utopique d'un digne amateur de la philosophie politique du XIXe siècle et de ses ressorts idéaux.

L'idée de faire des ruines de la Cité le terrain de jeu d'une imagination facétieuse n'est pas nouvelle, que non. Déjà, Thomas More et son île, Rabelais et quelques autres, passons. Pour notre part, ce sont trois textes qui nous ont paru significatifs car tressant des variations sur un même thème et, par la force de l'inertie, les voici reparus. Ce sont d'Alfred Franklin le charmant récit "historique", de Joseph Méry (in La Littérature est mauvaise fille) et d'Henriot, le dessinateur, des Ruines de Paris à ne plus savoir qu'en faire.

Et si l'on songe aux macchabées qu'elles nous cachent... C'est abyssal.

Et comme on n'en finit pas de se réjouir de la délicieuse histoire future de Paris, il faudrait ajouter les resucées à venir sur le même thème. On ne les compte pas ! Nommons au hasard François Crucy dans L'Aurore (octobre 1905) ou bien Une expédition aux ruines de Paris de Georges Spitzmuller, dans les années 1920. Il y aurait de quoi remplir une bibliothèque de ces écrits, et en particulier des "contes" publiés dans les journaux comme l'Aurore, grands dévorateurs d'écrits plus ou moins originaux, plus ou moins rapetassés sur de l'ancien.

On n'en a jamais fini avec le fil d'Ariane caché dans les décombres, de même que l'on n'en a jamais fini avec Paris, le sous-Paris, le sur-Paris, le non-Paris (allez donc voir cet étrange et réjouissant Paris n'existe pas de Paul-Ernest de Rattier de Susvalon)... et c'est tant mieux.

franklincouv.jpg
Alfred Franklin Les Ruines de Paris en 4908. — Talence, l'Arbre vengeur, coll. "L'Alambic", 111 p., 10 euros


Henriot2009.jpg
Henriot Paris en l'an 3000. Préface de votre serviteur. - Paris, Phébus, 2009, 120 p. 20 euros


Ajout du 14 janvier 2014, Laurent Portes vient de mettre en ligne "Paris vu par les utopistes", un très riche billet du blog de Gallica.

Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

Haut de page