La Quatrième Dimension de Gaston


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La Quatrième Dimension

« Qu'entendons-nous, en effet, par quatrième dimension? Le symbole nécessaire d'un inconnu sans lequel le connu ne pourrait pas exister. La quatrième dimension, dans notre monde à trois dimensions, c'est cette variable dont l'existence est indispensable dans toute équation de l'esprit humain, mais dont la qualité s'évanouit au contact des chiffres dès qu'on tente de lui donner une valeur particulière. »
M. G. de Pawlowski, dans son livre "Voyage au Pays de la quatrième dimension" publié il y a plus de dix ans, mais qui nous revient considérablement augmenté, et orné de curieuses et suggestives illustrations de M. Léonard Sarluis, nous guide dans ces régions qui ne sauraient avoir de frontières.
Nous en avions déjà tenté scientifiquement l'exploration au cours de ces dernières années à la suite de M. Einstein, et le mérite n'est, pas moindre de ce livre dans lequel M. de Pawlowski nous apparaît comme un précurseur qui n'eut peut-être que le tort de proclamer avec une imprudente franchise que la vérité est du côté de l'imagination et que l'humour est le sens de la relativité.
Car dans cette explication psychologique du monde — cette jolie définition est de M. G. de Pawlowski. le poète, le romancier et l'humoriste se rencontrent avec le savant et le philosophe.
A ces apparences mortelles dont nous; devons nous contenter, M G. Pawlowski ajoute, quadrato quadratum sublime, l'Idée.
"Ce côté éternel de l'être, écrit-il ensuite, ce mouvement immuable de la pensée, cette critique permanente des formes transitoires, ce coup de fouet perpétuel qui empêche le monde conscient de se cristalliser et .de s'endormir, cet inconnu qui doit toujours s'ajouter au connu pour le compléter, cette quatrième mesure sans laquelle les trois autres ne sauraient rendre compte intégralement de l'univers, tel est ce que nous appelons, faute de mieux, la quatrième dimension. »
Quelqu'un a déjà protesté :
« Mais, le côté éternel des choses, c'est Dieu ! Non, répond aussitôt M. de Pawlowski, c'est tout le contraire. Par recherche de la quatrième dimension, nous entendons rechercher en l'homme, l'inconnu qui n'est qu'en lui, développer en l'homme la divinité qui n'est qu'en lui, créer Dieu par l'homme et en lui. » Et après avoir affirmé que toute chose imaginée existe, et que rien n'existe en dehors de l'artificiel, M. G. de Pawlowski nous donne un roman dont le personnage principal n'est pas un être humain, mais une Idée ; il offre, du même coup, à notre esprit, les possibilités d'une évasion vers ces régions illimitées où il pourra, s'il est perspicace et persévérant, glaner des certitudes même au delà des apparences passagères, nées de la science et prendre conscience d'un monde qui se renouvelle.
Bien résolu, après ces déclarations anti-naturalistes, à nous montrer l'homme sur le chemin de sa grande destinée, et pour mieux affirmer la supériorité de l'individu sur la masse sociale, il l'oppose an Léviathan, l'animal-Etat imaginé par Hobbes, et qui retrouve sous la plume de M. G. de Pawlowski, une vie surprenante.
Pourtant par la notion qu'il a de la liberté humaine, par la place qu'il réserve à la bonté et à l'amour dans son œuvre, par la confiance qu'il met dans l'homme, créateur et maître de la discipline morale qu'il s'impose, et par laquelle il se place volontairement au-dessus des vaines apparence, M. G. de Pawlowski s'éloigne du philosophé anglais, tout en partageant son sensualisme et en souscrivant dans une large mesure à sa morale militariste.
Notez qu'à partir de ce moment, l'auteur établit sur les bases solides de son raisonnement une symbolique moderne. Entre ses mains, l'allégorie est une lampe puissante qui projette ses rayons sur la réalité scientifique. La souplesse de son esprit lui permet d'accueillir toutes les fantaisies de son imagination - car, nous l'avons lu tout à l'heure, il revendique le droit à l'humour — l'image-écran découvrira toujours une vérité. li enrichira. parallèlement, son roman des observations que lui fourniront la vie contemporaine, les manifestations d'une société en évolution constante ou de simples associations d'idées. Mais auparavant, il aura déblayé la route devant lui par la précaution qu'il aura prise de nous déclarer que dès l'origine du monde, toutes les possibilités et toutes Les idées futures étaient en puissance et en germe, et. que ce n'était pas de l'avenir que nous devons attendre la révélation, mais de la puissance de nos souvenirs.
Au cours de ce voyage autour de sa pensée. M. G. de Pawlowski a planté sur les confins de la terre ferme les pilotis sur lesquels s'édifie le rêve d'une humanité nouvelle de fraternité et d'amour « car il n'y a qu'une réalité et si la mort peut dissiper les vaines illusions du corps à trois dimensions, elle ne peut plus atteindre ceux oui ont entrevu, ne fut-ce qu'un instant, l'Idée immortelle à quatre dimensions et créé de pures formes au-dessus de l'espace et du temps. »
M. G. de Pawlowski est un des esprits les plus actifs et les plus curieux de ce temps. Ce métaphysicien aux vues si larges et si hautaines est un ardent réalisateur du présent. Littérateur. il nous a séduit par des articles d'une ingénieuse et fine fantaisie : journaliste, il prend un jour la rédaction en chef de Comoedia à ses débuts et nous donne, vivante, spirituelle, accueillant des faits qui paraissaient jusque-là unièmement du domaine des revues d'art et de littérature, la formule d'un nouveau journal quotidien : critique littéraire, dramatique et artistique, ses incréments s'imposent par une franchise qui ne perd jamais le sourire. Avec le vocabulaire qu'il a employé pour nous présenter le pays de son rêve, il nous décrira un aéroplane ou une automobile, et dans un livre plein de vie. de couleurs et do sonorités, qui vient de paraître : Ma Machine de Course, nous conduira vers la poésie et la vérité sportives.
Un véritable écrivain d'aujourd'hui, prêtant l'oreille aux voir multiples de l'intellectualité moderne, et considérant l'énorme, les hommes et les faits avec une indulgence attendrie, tout en écrivant : « Puisque la conscience du monde est en nous, sachons nous rire des apparences, sachons surtout nous conduire intérieurement comme des héros immortels et non plus comme des hommes. »

J. Valmy Baysse


Floréal, 24 novembre 1923


QuatreGare.jpg Légende : En vertu de quelle matérialisation d'idées, cette gare inutile et absurde se trouvait-elle là ?

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