Aurèle Patorni, le Rossignol des massacres et les Embusqués

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Comme l'écrivait en juillet 1917 Roland Dorgelès dans Le Bochofage, son journal de tranchée,

On est toujours l'embusqué de quelqu'un.

Le soldat du train est celui de l'infirmier, qui est celui de l'artilleur, qui est celui de la piétaille promise à la boucherie.
Et finalement, assez proches du front, tous courent assez le risque d'y passer.
Ceux qui ne risquent vraiment rien, en revanche, en tout cas pas de ramasser un schnarpell dans le gras du bidon, ce sont les embusqués de l'arrière. Ils vont devenir au cœur de la guerre le sujet de toutes les attentions, une sorte de verrue morale contredisant les vertus guerrières, honnie de tous ceux qui, pataugeant dans la boue, souhaitent sortir vivant de la guerre.

Libraire engagé, Aurèle Patorni (1880-1955), fils de bonne famille aux amitiés nettement libertaires (il aurait hébergé Ho Chi Minh à Paris), donnait au sujet des planqués le Carnet de Simplice, sous-titrés Notes intimes d'un embusqué, où, narquois, il imaginait en 1919 les notes candides d'un embusqué aux prises avec le quand-dira-t-on et les remarques acerbes de ces concitoyens souvent aussi planqués que lui...
C'est tout le paradoxe de la bonne conscience du Parisien tenu à distance des combats mais se plaignant que les canons boches pulvérisent à l'occasion un parterre d'Ïle-de-France, "en plus". Patorni se paye en satiriste la fiole du râleur parfaitement inconscient des conditions d'existence des soldats au front... il faut qu'on lui bourre le crâne depuis 1914. Bref, un livre drôle et acide, qui n'est pas sans rappeler La Queue où Paul Achard (1) relayait les commentaires des citadins faisant la queue devant les boutiques d'alimentation durant l'Occupation. Puisqu'il y en eut une autre...

Homme d'esprit engagé dans le combat moral et politique contre les bourreurs de crâne et le "rossignol des massacres" lui-même, Maurice Barrès auquel la satire à vocation pamphlétaire est dédiée, Aurèle Patorni méritait d'être relu alors que l'on prépare la commémoration du vilain conflit.



Aurèle Patorni Notes d'un embusqué. Présentation du Préfet maritime. - Paris, Mille et une nuits, 2014, 100 pages, 3 € Parution le 22 janvier.



(1) Paul Achard. La Queue. Postface d'Eric Dussert - Paris, Mille et une nuits, 2011, pages 4,60 €

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