Davaï !

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Dans la catégorie chroniqueuse américaine pleine d'humour, la Turque Elif Batuman casse la baraque à la manière d'une Briget Jones thésarde. Elle vient de nous proposer sous le titre des Possédés une enquête un peu incongrue, délicieusement narquoise - et même parfois franchement drôle - sur les terres délectables de la littérature russe.
Dès son introduction, le livre présente des qualités dont il serait ballot de ne pas profiter : de la vie, une fraîcheur remarquable confinant parfois à la candeur d'universitaire découvrant un sujet ou de blogueuse impatiente de partager le fruit de ses emplettes. Outre qu'on apprend et ré-apprend à la lire mille choses sur Babel ou Tolstoï qu'on croyait ne jamais oublier - et qu'à la réflexion on se demande bien dans quelles circonstances on les aurait apprises, donc pourquoi on les aurait sues... -, elle montre au cours de son aventure à la recherche de la vraie vie de la littérature russe - car son enquête en est parfois une - certains aspects du tempérament russe, les particularités de certaines demeures d'écrivains, celles de leurs héritiers secoués, tout un monde dévoué à la grande littérature. Et au détour de son pèlerinage fusent quelques traits assez amusants relatifs à la théorie littéraire voire aux modalités de la création littéraire en Amérique du Nord, ainsi que toutes sortes de choses et de figures qui méritent d'être rendues notoires.
Et puis, et puis, au-delà des moments assez agréables qu'il procure, ce livre présente également l'incroyable intérêt de décourager toute velléité de participation à des "ateliers d'écriture", et c'est là qu'il est grand. A peu près comme la Sibérie.

Mais on n'est pas obligé de se contenter de la légèreté et du saupoudrage : afin de nourrir en profondeur les circonvolutions cérébrales de nos lecteurs amis des lettres russes, nous suggérons deux moyens de s'enrichir à la fois plus spécifiquement et plus panoramiquement. D'une part, avec un peu de patience, Ma collection littéraires (Fayard, aout 2015), qui est le recueil des "Notes sur la littérature russe" d'Alexandre Soljénitsyne et, d'ores et déjà disponible, de Francesco M. Catuluccio, Je m'en vais voir là-bas si c'est mieux : parmi les Justes en Mitteleuropa (Noir sur Blanc, 2014, 329 p., 24 €).

Elif Batuman Les Possédés : mes aventures avec la littérature russe et ceux qui la lisent, traduit de l'anglais (États-Unis) par Manuel Berri. - Paris, L'Olivier, 2015, 331 p., 23,50 €

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