Des usages du sarcophage

IoannouYorgos.jpg


Il y a plusieurs manières d'user d'un sarcophage antique. Passée la date de péremption (en centaines d'années), Yorgos Ioannou (1927-1985) nous en présente une, réservée aux amants de centre-ville. Couvercle compris.
Auteur désormais classique des lettres grecques du siècle dernier, Yorgos Ioannou était une sorte d’ange mélancolique, frappé par une sensation d'enfermement dans sa ville de Thessalonique, dans sa vie, dans ses rapports humains sans que jamais la moindre acrimonie ne perce sa prose. Sensible et plein d'ironie, il mettait à leur place les choses et lui-même, continuant à voir ce que le temps avait gommé, vivant sensiblement avec les fantômes d'une époque qui sur lui exerçait toujours son charme.
La guerre, le fascisme, la violence, sa propre homosexualité qu'il vivait comme une réclusion inexprimable parfois, tout faisait chez Ioannou sujet de fictions magnifiques.

Je me souviens de la maison sous l'Occupation, toujours fermée. Pendant la Guerre civile, même chose. Plus tard, je dus m'éloigner pour longtemps. Le régiment, les bateaux, des amours interminables et des tas de soucis, que je considérais comme uniques et pénibles entre tous. Jusqu'au jour où les deuils me ramenèrent chez nous. J'étais devenu le chef de famille. Moi, chef de quelque chose... Quant à la maison toute fermée, non seulement elle n'existait plus, mais on ne savait même plus où se trouvait la rue autrefois. Le plan d'urbanisme, que tracent habituellement des gens qui nous ignorent et se fichent de notre avis, avait tout effacé d'un trait de plume. Mais moi, sans m'en rendre compte, je ne cesse de hanter ces lieux.

Un des plus beaux recueils de nouvelles qui soit.



Yorgos Ioannou Le Sarcophage, traduit du grec par Michelle Barbe, Noëlle Bertin et Michel Volkovitch. - Le Miel des anges, 156 pages, 12 €


Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

Ajouter un rétrolien

URL de rétrolien : http://www.alamblog.com/index.php?trackback/3573

Haut de page