Métaphore vilaine

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Avec la langue, on chope tout. Mais, dans le même mouvement, tout achoppe, en particulier les faux-semblants.
Avec la langue, on dit toujours plus que l'on ne le souhaite, ou beaucoup moins, et c'est pour cela que la langue et son vecteur, les phrases, et la littérature en général, donnent à celles et ceux qui les maîtrisent un ascendant sans nom. En revanche, la langue est terrible pour les apprentis magiciens qui, comme dans la parabole de Goethe tentent d'utiliser les outils du maître. C'est ainsi que sur le sujet du féminisme, puisqu'on va en parler, fatalement, on lit tant de choses convenues, ressassées, recuites, terrassées même par l'innocuité et l'arrogante naïveté de leurs auteur(e)s, qu'on en vient à se reconnaître trop souvent les portes ouvertes du langage et les matériaux bouffés aux vers du bois de la langue que l'on reconnaît désormais bien vite. On n'apprend plus aux singesses et singes d'âge les beuahbah. Pendant ce temps que de vaines personnes occupent donc les médias, d'autres et d'autresses, évidement, tirent des coups marquants en prenant l'air de rien.
En quelques mots, paf, la cible.
Il y a donc cela d'inégalitaire dans la vie du langage que certains prétendent faire du bruit avec leur pensée et ne produisent que des borborygmes, épicés, parfois, d'un peu de fumée, tandis que d'autres pointent en prenant leur temps, et marquent précisément. Laure Belhassen est de celles qui marquent, et pourtant, elle ne dessine pas.
Laure Belhassen aime les mots. Et elle est à l'évidence de celles qui pointent puisqu'il ne lui faut que cent pages pour souligner ce que la langue a de profondément misogyne.
Chapeau !
Dans son livre, la femme est à plumes, à crinières, en sabots ou tout en griffe (le livre commence avec les "griffues à poil soyeux", elle est linotte, bitch ou chatte, bref. on a compris ce que Laure Belhassen nous raconte dans de petits paragraphes d'esprit sautillant et jovial. Provocateur aussi, c'est bien le moins, mais avec un délicieux air de ne pas y toucher.
Pas de thèse donc, juste un plaisant tour au pays des métaphores, d'où il ressort, nous dit la naturaliste, que la femme est toujours comparée à un animal dès lors que l'on souhaite la décrire, ou décrire son état (1). A côté de Klemperer et de ses copains ajoutons donc Belhassen et sa délicate contestation du patriarcat phallocrate mis en Verbe.
Comme toujours aux éditions des Grands Champs, le livre est admirablement servi, agréable en main et très fourni en très belles illustrations sorties de Gessner, Aldrovandi ou Jonston.
Le parfait cadeau à se faire.


Laure Belhassen Femmes animales. Bestiaire métaphorique. - Editions des Grands Champs, 128 pages, 12 €


(1) Le Préfet maritime s’autorise à son tour à avancer que les métaphores masculines n'ont ni la même portée - elles concernent en particulier souvent des fragments du corps de l'homme et n'engagent pas souvent son être moral mais plutôt son état passager -, ni les mêmes ressorts : elles se sont spécialisées dans l'univers de l'outil. Eh oui, l'homme, quel outil !



Illustration du Billet : copyright Draco Semlich 2019.

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