Radio & dactylogrammes

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Que faut-il pour faire de la poésie, concrètement ?
Il faut des lettres, et Carla Demierre, poétesse de la jeune garde concrète nous livre « Autoradio » dont la couverture s’orne d’une proposition gracieuse : « Voici des lettres ».
Et ces lettres sont « l », « ir » et « e ».
C’est parfait, d’emblée, on en fait ce que l’on veut.
De page en page, on aborde un ensemble de lttres, de phonèmes et mêmes de phrases, dactylographiées et positionnées de manières variées sur la pages. Certains sont très blanches — quoique le papier soit crème, pour être précis. On a presque envie d’y étaler quelques voiles d’aquarelle. On le fera peut-être, si le Préfet maritime s’y décide. (Pour l’instant, il se contente d’apprécier les petits bonheurs imprimés propagés par la maison Héros-Limite, et il songe aux dactylogrammes de Maurice Roche qui, il y a cinquante ans, traçait lui aussi des dessins de mots à la machine à écrire. La roue tourne, les bonnes idées trouvent toujours à se réactiver, comme les bons textes trouvent toujours leurs lectrices et leurs lecteurs.
Voyez encore ce mémento de la poète qui nous dévoile le pourquoi de ces sons en mots mis sur le papier — un topo qui ne dit rien de certaines trouvailles graphiques que l’on louera ici sans vergogne :

« J’écoute beaucoup la radio et je suis une fétichiste des voix. Ce livre aimerait établir avec la radio un rapport analogique parce qu’il fonctionne et a été conçu comme un acte de syntonisation dans la pensée et parce que ces pages ont été écrites en faisant autre chose. J’ai pensé que la machine à écrire, à la fois obsolète et en état de marche, pouvait m’aider à ralentir mon écriture, à penser autrement les ratures et les ratés du texte et à écrire sans intention précise, mais aussi à m’éloigner de la phrase comme centre de l’écriture. Finalement, la machine à écrire a inauguré pour moi un travail d’«atelier» au sein duquel je tente de capter des «moments» de la pensée, saisir des superpositions entre des choses que je lis, détourner le surplus de phrases lues quotidiennement, tailler dans le brouhaha, prendre des notes qui seraient immédiatement des poèmes. La machine à écrire, sa matérialité encombrante et son obsolescence, font remonter à la surface de l’écriture un bain concret de fautes de frappes, de phrases bricolées, d’hésitations, de trous et de lenteur. Chaque page est une captation et chaque poème est un document. »



Carla Demierre Autoradio. — Genève, Héros-Limite, 118 pages, 16 €

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