Premier poème d'automne

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Premier Poème d'automne

Malgré l'azur hélé d'aventure ; malgré,
Trains, steamers, et gourdin libre de chemineau,
Toutes routes, irradiantes de mon coeur,
Vers l'ivresse nomade et le gîte nouveau ;

Amant sans espoir du poison fatal,
Chaque soir, rassemblant les ferveurs animales,
A l'abattoir je traîne,
Comme un peuple ouvrier vers l'usine, leur haine.

Malgré la douce nuit méditerranéenne
Et ce ciel, si je veux, le plus beau de la terre ;
Malgré l'opium, l'alcool, le haschisch, et l'éther ;
Le paradis philosophal, ou le harem
Que me livrent, à moi Nabuchodonosor
Magique, mille amours ignorées, en ton corps ;

Dévoué, sous la lampe rituelle,
Je me prosterne à l'implacable autel,
Et, reconquis, mystique et frissonnant, j'attends
La vanité, pour mon cerveau, de sa débauche solitaire.

Mais, au plus haut de ses retraites inhumaines,
Ma conscience,
Accoudée au balcon d'altières nonchalances,
Surveille un poète énergumène,
Hagard de gloire et d'immortalité postiches,
Qui rythme obstinément sa chanson de derviche ;

Et mes sceptiques yeux suivent sur la papier
AU bec de cette plume enregistreuse naître
Le diagramme halluciné de ma pensée.

- Quand donc pourrai-je enfin, guéri par toit
De maniaques routines,
Libre soleil de mes étés, seul maître de ma joie
Animale et divine,

Sans qu'un sot souvenir me tente, prononcer
Ton nom, vieux préjugé de ce culte nocturne
Plus riche en cauchemars qu'un poison trop usé,
Ton nom haï, vieille drogue, Littérature !


Théo Varlet



Les Horizons, 15 novembre 1912.

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