«En ce temps-là, la guerre couvrait Ecbatane. Beaucoup d'esclaves s'échappaient, s'accrochaient aux vainqueurs mais quand ceux-ci voulaient les faire parler sur la résistance des occupés, les esclaves refusaient de livrer le nom de leurs anciens maîtres, ils retombaient alors dans une plus grande servitude. Ecbatane était encore la plus vaste capitale de l'Occident : elle avait été bâtie sur quinze kilomètres de côtes. Chaque jour, les plages en contrebas du boulevard du front de mer se couvraient de cadavres de jeunes résistants débarqués la nuit et fusillés par les sentinelles de mer. Les vainqueurs avaient vaincu sans peine : ils avaient pris une ville qui se débarrassait de ses dieux.»
Pierre Guyotat(1940-2020) Tombeau pour cinq cent mille soldats. - Paris, Gallimard, « Le chemin », 1967.
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1 De Jérôme Delclos -
J'ai toujours aimé cet incipit, été fasciné par sa simplicité pourtant si puissante, et qui hisse Tombeau au rang de Salambo, et Guyotat à celui de Flaubert, ou tiens, pourquoi ne pas le dire, d'Homère. Si bien que pour beaucoup d'entre nous, Tombeau aura été notre Illiade, et Ecbatane notre Troie. Aujourd'hui, nous pleurons la mort de l'aède. Son silence nous serre les tempes. Son oeuvre, elle, ne meurt pas.