Georges Chennevière

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Georges Chennevière
De la lettre qui accompagnait la -belle chronique ci-contre, j'extrais cette phrase : « .Je vous demanderais, mon cher ami, de bien vouloir m'épargner les 'louanges et les épithètes. Rappelez, si vous le jugez bon ce que j'ai écrit, et voila tout. »
Ce souci vous peint l'homme, l'exceptionnel bon ouvrier de lettres, qui ne souhaite d'être jugé que sur son œuvre. Il vous dénonce aussi une modestie trop rare aujourd'hui, que je m'excuse "de troubler, mais j'y suis contraint par simple souci de justice et de vérité.
C'est donc en pesant bien tous mes mots, mon cher Chennevière, que je dirai (car il faut bien que je le dise) l'exceptionnel frisson ressenti après l'armistice - et qui ne trompe pas -- lorsque, ne vous connaissant pas, j'ai, à travers les magnifiques pages de l'Appel au. Monde, deviné le coeur et Famé de celui qui avait délivré sa conscience — et la nôtre, je veux dire ceHe dès hommes de sa génération - en poussant ce cri d'angoisse et d'amour. Ensuite, penchés souvent côte à côte à la même table et bavardant sur les hommes, les choses et les événements du monde, j'ai commencé de vérifier que la tendresse qui vous incline .vers les humbles et vous fait rechercher, derrière les apparences, les vérités cachées, n'est point d'un niveau inférieur chez l'homme à celui qu'elle atteint chez le poète. Et vous êtes devenu l'un des plus loyaux camarades, l'un des plus justement appréciés et aimés du petit groupe que nous formions. Cela aussi, qui va gêner votre excessive modestie, il faut bien que je vous le dise, 'malgré que vous ne vous souciiez de justice que pour les autres. Tant pis pour vous, mais moi, j'en réclame, à mon tour, un peu pour vous. Il n'est que temps !
Je serai simple, je serai bref. Je ferai en sorte de ne point abuser de votre patience. Mais à l'homme qui nous a donné : Le Printemps, Le Chant de Midi, Appel au Monde,
Poème pour un -Enfant russe, Ode à Jaurès, Poèmes, notre époque doit beaucoup. Comme toujours en pareil cas, notre dette ne sera sans doute reconnue ;— trop tard — que par ceux qui nous suivent. Si, du moins, ils la payent, cette dette d'amour, au poète dont l'œuvre entière n'est qu'un acte de gratitude envers la vie et de ferveur envers les hommes, envers tous les hommes, ses frères, ils ne feront que lui rendre .petitement la monnaie de sa pièce, comme disent les bonnes gens de notre pays.
Je n'ai qu'à tendre les mains Je suis riche : l'âme abonde
Il m'en arrive aujourd'hui. Plus que d'air à mes poumons, a-t-il écrit. Aujourd'hui, oui, déjà un peu d'âme se resserre, si je puis dire, autour de lui et de son œuvre. Mais bien moins que demain.
Gabriel Reuillard.



Paris-Soir, 9 janvier 1925

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