Centenaire Lispector

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La publication par les éditions des Femmes de deux volumes de Nouvelles'’ (2017) et de ‘’Chroniques, 1946-1977'’ (2019) de la brésilienne Clarice Lispector (1920-1977) avait été remarquée : elle complète, et s’enrichit, à l’occasion du centenaire de sa naissance d’un coffret liant deux de ses grands livres : La Passion selon G.H., où la crise existentielle d’une artiste qui survient quand elle tente d'exterminer une blatte dans un placard vide, et L’Heure de l’étoile'', où l’existence d’une femme absente au monde et à elle-même car dépourvue de charmes et d’esprit, donc d’histoire.
Si on l’ignorait, il faudrait préciser ici que Clarice Lispector est une grande femme de lettres — tout lecteur de ses chroniques le sait. Son premier livre traduit en français, Le Bâtisseur de ruines (Gallimard, 1970) avait été traduit, ça n’est pas inintéressant de le noter, par Violante Do Campo, la compagne de Maurice Roche. Cinquante ans plus tard ces deux livres, très bien traduits eux aussi, tombent à point nommer pour insister sur la qualité de cette plume qui mériterait sans doute d’être un peu plus promue en France.

Je la regardai cette blatte : je la haïssais tellement que je passais de son côté, solidaire d’elle, car je n’aurais pas supporté de rester seule avec mon agression.
Et tout à coup je gémis tout haut, cette fois j’entendis mon gémissement. C’est que, comme si m’arrivait en surface ma consistante la plus véritable — et je sentais avec peur et répulsion que « moi être », provenait d’une source bien antérieure à l’humaine et, corrigée, bien plus grande que l’humaine.
S’ouvrait en moi, avec une lenteur de porte de pierre, s’ouvrait en moi la large vie du silence, la même qui était dans le soleil fixe, la même qui était dans la blatte immobilisée. Et qui serait la même en moi ! si j’avais le courage d’abandonner... d’abandonner mes sentiments ? Si j’avais le courage d’abandonner l’espoir.

Passion et Heure sont écrits, on s’en convaincra vite, dans une langue à la fois subtile et directe. Ce qui ne laissera pas d’impressionner les plus chafouins. Sans compter que ses capacités d’invention ont tout pour séduire elles aussi. Les plus joueurs de nos lectrices et lecteurs se rendront à la page de titre de L’Heure de l’étoile pour s’en convaincre... Et l’on n’en dira pas plus. N'est-ce assez moderne pour plaire aussi aux formalistes ?
Puisque les choses sont bien faites, avec son petit prix de gros livre de poche, le coffret comporte un livret illustré de photographies.
C’est l’occasion rêvée de découvrir Lispector si l’on n’a pas encore été pris à son piège, ou bien au charme entêtant des Nouvelles et des Chroniques.



Clarice Lispector Coffret La Passion selon G.H. et L’Heure de l'étoile, traduits du portugais (Brésil) par Paulina Roitman et Didier Lamaison et par Marguerite Wünscher et Sylvie Durastanti. - Paris, Les Éditions des Femmes-Antoinette Fouque, 2020, 15 € En librairie le 22 octobre.


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