Jeanne Landre
Une bonne vingtaine de romans sans compter d'innombrables contes, parus dans Le Journal entre autres, ont assis la solide réputation d'écrivain de Mme Jeanne Landre. Faut-il rappeler quelques titres parmi les plus connus de ces ouvrages ? La Gargouille, Echalote et ses Amants, Echalote continue, Plaisirs d'Amour, Puis il mourut, L'Amant qui s'ignore, L'Ecole des Marraines, Loin des Balles, Bob et Bobette enfants perdus, Mme Poche où la Parfaite Educatrice, Où va l'Amour, Un Auteur folichon, Le Débardeur lettré, Mordus ! ou les Amours contrariées, Angèle et Ouistiti, etc.
Elle a campé d'innombrables types de bohème moderne en des portraits-charges qui resteront comme des modèles du genre. Mais la bonne caricature est, si je puis parler ainsi, à base d'observation humaine; et tous -les grands types littéraires, à commencer par Panurge, Gargantua et Pantagruel, en passant par Gil Blas, Alceste, Tartufe, Figaro, Turcaret, Candide, Grandet, Gaudissard, etc., pour aboutir aux plus modernes : Poil de Carotte et
Lechat, par exemple, ne sont-ils pas par quelque côté des caricatures, c'est-à- dire des « sommes » humaines ?
Sans comparer les alertes portraits de Mme Jeanne Landre à ceux de ces .prodigieux héros de roman ou de comédie, if faut aller très loin dans la
littérature contemporaine pour trouver cette sûreté de trait, ce puissant re
lief et, pour tout dire, cette maîtrise alliée à ce saisissant don d'animatrice.
Point de vain souci moralisateur : la peinture toute nette, pourquoi ne pas dire toute franche, de la vie, avec ses beautés, ses laideurs, ses grandeurs et
ses petitesses : « En général affirme quelque part un héros de Mme Jeanne Landre, ce sont les saligauds qui se spécialisent dans la morale. Écœurés d'eux-mêmes, ils ont les qualités requises pour flétrir la malpropreté individuelle et dépeindre les égarements dont elle est le point de départ. »
Malgré ce que peut avoir d'un peu excessif cette boutade, il est évident
qu'elle rend le son de la franchise, c'est-à-dire de l'honnêteté suprême. C'est en cela que l'œuvre de Mme Jeanne Landre est moralisatrice, morale même, - sans le vouloir. Zola disait : « La seule immoralité en littérature c'est d'écrire mal. » En ce cas, les romans de Mme Jeanne Landre sont doublement l(ill.)es, au sens dix-septième siècle du mot.
Gabriel Reuillard
Paris-Soir, 24 avril 1925
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