Pauvre H.

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On ne s'ennuie jamais avec Jean-Pierre Georges. Entrer dans son recueil de notes intitulé Pauvre H., c'est se préparer une halte longue, car chaque page contient quelque tir qui fait mouche. Et l'on passe un temps fou dans ce livre, de paysages en introspections. Ce nouveau volume, qui vient apparemment clore la série initiée par L'Éphémère dure toujours et poursuivie par Jamais mieux, est la concrétion d'écrits de longueurs variables, de météos changeantes, d'humeurs véritables semblant pris au calepin. Dire que ce serait le parfait livre de confinement ? Peut-être bien... Un livre de loch pour les marins de canapé qui sont restés à quai et se font le résumé d'une existence — jugée avec perplexité — en des formes ramassées. Certes, l'exercice de l'aphorisme est désormais courant chez nos contemporains, qui trouvent là manière d'éviter la machine romanesque et le poème à la ligne. On ne peut toutefois pas s'empêcher de reconnaître aux cristallisations de Jean-Pierre Georges quelque chose de très personnel qui tient notablement, et évidemment, à sa posture existentielle.
Ouvrons le livre au hasard et citons :

Tous les livres, même ceux pour qui nous avons montré une extrême ferveur, nous ont déçus par quelque côté ; sans doute eût-il fallu se contenter de les regarder à la vitrine du librairie, avec désir mais sans espoir, comme on regarde une jolie fille à la terrasse.%%
Je suis le poisson rouge qui n'a toujours pas exploré son bocal.

Il faut se serrer les couilles.
(...)
On t'a donné un costume de vivant tout neuf, et regarde dans quel état tu l'as mis !


Ces Pensées, aphorismes, amusements, moments de désillusion et de doute nous arrêtent au cours de ce que Jean-Pierre Georges définit lui-même comme un "jeu poético-dérisoire". On ne parvient pas à se détacher de ce page turner car ses astuces, ses fantaisies, son auto-dérision et la profondeur de certaines de ses saillies prouvent que la simplicité d'une mise n'interfèrent jamais avec l'intérêt d'une phrase. Il bien est naturel que la légèreté et la modestie arrêtent le lecteur sensé : désabusé mais drôle, détaché mais présent au monde, un peu nihiliste (contraint par sa sauvage et irrémédiable destinée) mais enjoué (secrètement), Jean-Pierre Georges vise l'aporie et le détachement comme un moine bouddhiste, sage et reposé, tout près de la sagesse, qui sait que la peur n'empêche pas la faim. Tout irait divinement mal, n'était ce petit caillou de la vie qui gêne, ce corps déclinant "qui veut (sa) peau" et le néant qui se rapproche, s'il s'était éloigné.

Ce n'est pas vrai que livre c'est "vivre", lire c'est mettre quelque chose (l'alphabet) à la place de la suffocante carence de tout."


Bref, Jean-Pierre Georges est sans doute ce que la francophonie a de plus élégant en guise de poète japonais.


Jean-Pierre Georges Pauvre H. - Tarabuste, 218 pages, 16 €

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