Boum ! boum ! encore boum !

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Paraîtra le mercredi 12 prochain, le volume très attendu des Souvenirs viennois d'Alfred Eibel, éditeur, critique, auteur de plusieurs livres dont le fameux reportage sur Fritz Lang qui a fait sa réputation, avec ses déjeuners chinois, et la princière mise en oeuvre de son activité éditoriale — unique en son genre, il aura mangé comme un grand duc son héritage en quelques années pour publier quelques textes magnifiques. Il avait commencé, indice net de grandeducherie, par publier en un ventripotent Hors commerce la quasi totalité des échantillons de sa production à venir. Du jamais vu. Et l'objet était si inhabituel qu'il fut réédité par un autre éditeur admiratif de la généreuse démesure de cet Eibel de Vienne !
Né en 1932, dans la Trauttmansdorffgasse aux allures Jugendstil, Alfred Eibel nous raconte enfin à l'aide de ses petits morceaux de récits-miroir taillés dans ses souvenirs, ses jeunes années dans la Vienne d'Arthur Schnitzler où le baise-main était encore de rigueur puis les années d'après-guerre durant lesquelles autre chose se jouait...

Qu'était devenue la Vienne joyeuse et insouciante de Willi Forst ? Fallait-il lui reprocher d'avoir dissimulé, sans l'avoir voulu, dans ses opérettes filmées, la vision dantesque des camps de concentration ? Il a continué à tourner après guerre, notamment un film intitulé Vienne, ville de mes rêves en 1957. Il avait alors cinquante-quatre ans. Il est mort vingt-trois ans plus tard. Qu'a-t-il fait durant toutes ces années ? Peut-être s'est-il aménagé une retraite dorée en Suisse, à Ascona, dans le Tessin, où tant de gens du spectacle s'étaient retirés avec une discrétion qui en épatait plus d'une, à croire qu'ils avaient dérobé un trésor pour vivre heureux et cachés. Ne disait-on pas qu'on parlait plus l'allemand dans ce canton que l'italien ? La presse viennoise fêtait à sa façon le retour définitif ou provisoire d'acteurs ayant trouvé refuge aux Etats-Unis, tels Helene Thimig, l'amuseur Karl Farkas du café-théâtre Simplicissimus.
Il y a avait quelque chose de pathétique dans des spectacles comme Princesse Czardas, qui sentait la natphtaline, évoquant non sans lourdeur le film du même nom tourné en 1934 par Georg Jacoby....

C'est le retour des gloires anciennes, compromises avec le nazisme ou pas. La société viennoise baigne dans le souvenir de sa gloire passée et rejoue son disque dans une ambiance qui est déjà celle de la Guerre froide et du Troisième Homme de Graham Greene. Tout en dégustant maintes pâtisseries et en écoutant les opéras de Richard Strauss...
Brossés à la hâte comme il sait si bien le faire, Alfred Eibel a enfin mit bout à bout les souvenirs qu'il avait commencé à publier, comment l'oublier ! dans l'Alambic, la feuille verte, il y a bien des années... A l'heure de la réédition de L'Effondrement de Nossack sur l'écrasement de Hambourg, ces souvenirs d'une autre terre germanophone n'est pas inutile. On n'y retrouve, de plus, Alfred Eibel le chroniqueur, observateur doté d'un regard très personnel, décochant ses traits et bifurquant abruptement parfois : dépaysant toujours.


Alfred Eibel Souvenirs viennois. - Arthaud, 240 pages, 19,90 €



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