Soutine de près

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Emil Szittya (1886-1964) a fait parler de lui il y a peu, à l'occasion de la réédition de ses 82 Rêves pendant la guerre (Allary, 2021). Il était pourtant le jack in the box du XXe siècle, toujours présent où il était bon d'être : militant anarchiste hongrois (de son nom Adolf Schenk), il commença par fréquenter la communauté Monte Verita (Ascona) en 1906, rencontra Cendrars en 1908, participa à la fondation des Hommes nouveaux (1911), se trouvait à Zurich en même temps que Lénine et Trotsky, fréquenta le Cabaret Voltaire en 1916, fit la révolution en Hongrie (1919) et entra dans la résistance à Limoges (1940). Sacré curriculum, n'est-ce pas ?
C'était sans compter ses activités artistiques (il était peintre aussi) qui le font croiser tous les montparnos, y compris Soutine auquel il consacra un petit essai de la Bibliothèque des Arts en 1955. L'essai reparaît. On y apprend énormément de choses en très peu de pages, et de manière très vive, parfois amusante, dans une langue maladroite parfois. Et cette maladresse peut faire paraître sa franchise brutale, voire déplacée. Tnat pis pour les galeristes qui en prennent pour leur grade, Vollard en particulier. Ca n'est pas la moindre vertu de cet opusculet...

Il faudrait vraiment écrire un roman de moeurs sur les marchands et les collectionneurs de notre temps.

Soutine, lui, est passé au rayon X.
On n'en dira pas plus que Szittya aura surtout retenu son rapport à la faim (enfance au ghetto), à l'argent (Soutine en a peur), à son corps (maux d'estomac et propreté délicate) et à son oeuvre. Arrêtons-nous sur ce point puisque c'est ce qui nous importe :

Même quand il crevait de faim, Soutine ne courait pas après les clients comme le faisaient ses collègues. Il croyait en sa vocation, mais non en la veleur commerciale de de sa peinture. Aussi ne vendait-il ses tableaux que dans l'enceinte de la Rotonde pour quelques francs, à moins qu'on ne le visitât chez lui.

Le succès lui vint néanmoins lorsque, en 1923, le collectionneur américain Albert Barnes fit sa découverte. Comme quoi, hein, l'argent et le passeport, ça compte dans l'art. Bref.
Soutine sort-il grandi de ce petit livre ? Ses névroses tout au moins nous sont désormais bien connues. Quand à Schenk, nous serions tout de même curieux de savoir s'il a pu conserver un jour des amis parmi ses fréquentations. Pour ne rien dire des collectionneurs et des commissaires de police frères d'écrivain et amateurs d'art comme ce Descaves frère de Lucien...



Emil Szittya Soutine et son temps. - Paris, Editions du Canoë, 2022, 112 pages, 15 €

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