Obituaire : Josette Clotis

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De Josette Clotis, morte jeune encore, on pourrait relire Le Temps vert (1932) et Une mesure pour rien (1934). Et puis on pensera à la faire circuler.



Josette Clotis

Voici quelques mois, nous apprenions la brutale disparition de Josette Clotis. Les circonstances dramatiques de sa mort ont ajouté une lueur exceptionnelle à ce destin, qui, dès son début, s’était affirmé avec éclat.
Ce n’est point par déformation d’esprit littéraire que les vers de Musset me reviennent en mémoire, en évoquant un peu tardivement la figure de Josette Clotis. Il y a, d’eux à moi, appel naturel d’un regret exprimé avec force et émotion.
Nous avions connu cette jeune femme, alors jeune fille, dans le plein épanouissement des dons qui ne sont répartis qu’entre de rares êtres : beauté, santé, allant, prédestination aux victoires de l’existence. Elle était la jeunesse, non point uniquement parce qu’elle était jeune, mais parce qu’elle la personnifiait, comme une créature choisie peut le faire. Et avec l’aisance de ceux qui ont été choyés par la vie, elle rendait à celle-ci ce qu’elle lui avait donné : joie de vivre, joie d’être son ambassadrice, joie du talent sous la forme d’un cri sincère, sous l’expression d’une oeuvre de qualité. Car Josette Clotis était aussi la romancière aiguë et fine, libre et touchante, dont le nom s’était déjà imposé. Elle était la voix de cette période de l’adolescence dont on sait si peu de choses, tant, dans ses richesses confuses, il est difficile de discerner les virtualités.
Son témoignage était — et restera — celui d’une heure de notre temps. L’écriture en était souple, fruitée, intelligente et généreuse. Un goût acidulé* de citron, une couleur de violette, une odeur de bruyère et de réséda, un bruit de ruisselets, un frémissement de frelon, voilà ce que nous découvraient ses pages vivantes. Elle nous avait dépeint une jeunesse un peu agaçante* un peu agaçée, raisonnant sur des raisons qui n’en sont pas, inquiétée par des détail menus, quasi indifférente aux choses sur lesquelles repose la vie, une jeunesse habillée de sa fleur, le sachant et n’en profitant pas assez, et, tout à coup, encore mêlée à son éther, dépassant toute l’expérience des gens d’âge, rejoignant les philosophies ultimes, se regardant dans la mort comme dans un grand miroir pur. Mais avec quelle finesse, avec quel pathétique, si ce n’est celui de la jeunesse qui sait tout embellir : les soies, les duvets, les cailloux et les cendres.
A propos d'Une mesure pour rien, un de ses ouvrages nous avions écrit : « sourdement, invisiblement, la jeunesse et la mort, dans ce livre, y font leur jeu rose et blafard ».
Tel a été non seulement le message humain de Josette Clotis, mais, aussi, sa destinée terrestre : un remûment de satin, de plumes, d’âme, et puis, soudain, un efface ment poignant, une confrontation de la fraîcheur et de la beauté^ avec le mystère.
Nous écrivions aussi : « Marie Bachkirtseff, agonisant à 24 ans, disait : « Je suis à un âge où l’on trouve de l’ivresse partout, même dans la mort ». Ah ! cet éblouis sement, vous ne pouviez l’avoir encore, vous qui cependant l’aviez si bien pressenti, Josette Clotis, car la vie, à l’encontre de l’écrivain russe, vous avait attachée à elle avec des liens de sang : des enfants, des êtres aimés.
Aux vôtres, Josette Clotis, ce ne sont plus des mots qui peuvent suffire, mais nous voulons mettre en ceux-ci tant de ferveur qu’ils les accepteront comme l’hommage dû à un souvenir.
M. M.



Légende de la photo : "Josette Clotis portait des robes de grand couturier, non par goût du luxe mais parce que sa tante, propriétaire d'un magasin de mode, lui en offrait souvent.
Source : Téléloisir, juin 1976.
La revue du Trésor, janvier 1946, p. 22.

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