Ce fragment d'Audiberti nous enchante.
Nous l'avons probablement déjà cité.
N'empêche ? Qui qu'en grogne ?
« La poésie m'agace. L'action toute crue me tente. L'action (la motocyclette, la contrebande, la politique,
la médecine) me paraît impliquer, chez l'homme actif, ces temps secrets et taciturnes propres à la rêverie. Elle me paraît dessiner dans l'espace des modulations concrètes qui peuvent, comme une épopée rédigée, avoir leur rythme et une satisfaisante et polychrome plasticité, alors que la poésie (outre qu'elle est une aptitude humaine, banale et séculaire que les générations se transmettent ni plus ni moins que la bronchite asthmatiforme) échoue, du moins à ma connaissance, à se réaliser en sens inverse. La poésie ne parvient pas plus à faire positivement se mouvoir des véhicules qu'à guérir une entorse. Quand elle agit, quand elle serre la gorge, elle ne s'appelle plus poésie, elle s'appelle chanson, elle est au bord de la boxe et du cinéma. »
Jacques Audiberti La Forteresse et la marmaille. Edition de Josiane Fournier. - Paris, Le Seuil, 1996, coll. "L'Ecole des lettres".
Illustration du billet : Chevreul.