Dr Perelman, I Presume ?

perelmanPekin.jpg




Un samedi après-midi du début du mois de janvier, un individu qui n’était ni sportif, ni érudit, ni poète, ni paysan, mais une combinaison remarquable des quatre, arriva à Nairbobi, capitale du Kenya...

Le séjour en Afrique a souvent été le ressort de fantaisies humoristiques carabinées. Si l’on excepte le récit de Stanley, plutôt rasoir, on doit reconnaître que les Anglosaxons, et en particulier Martha Gellhorn ou Saul Bellow ''(Le Faiseur de pluie’') nous ont comblé, et souvent jusqu’aux larmes.
Professionnel de l’humour, Perelman ne risquait pas de nous décevoir. Le deuxième volume de l’anthologie de ses meileurs textes parus aux éditions Wombat ne décevront personne.
Ci-dessous, un fragment du chapitre cinq de son « Pékin en Afrique » intitulé : « Le turban à réaction ».

Si voyageur m’a appris au moins une chose, ce dont je ne doute pas, c’est bien qu’un incident insignifiant peut à tout moment vous précipiter dans une aventure — mais l’inverse est vrai aussi. Un coup d’oeil de l’autre côté d’une pièce enfumée, un mot ou un geste anodins, et voilà que vous vous retrouvez le souffle court devant un rideau à perles au Caire, suspendu à un balancier dans les îles Nicobar ou délesté de vos boutons de manchettes par un prêteur sur gages à Brooklyn. En décembre dernier, comme je me baissais pour ramasser ma brosse à cheveux sous l’évier d’une chambre d’hôtel parisienne, je n’aurais jamais imaginé que cela me conduirait à participer à une expédition grotesque dans l’océan Indien en compagne de ce vénérable potentat, Son Altesse Sayyid Sir Khalifa bin Haryb, sultan de Zanzibar. SI j’avais pu prévoir les complications en perspective, j’aurais probablement démêlé mes cheveux avec une brosse à dents et j’en serais resté là. Mais il se trouve que la brosse à dents était également sous l’évier. J’avais pris un pousse-café de trop la nuit précédente.
Ce qui arriva fut d’une triste banalité. Après avoir cherché à l’aveuglette sous l’évier, je surestimai l’espace au-dessus de ma tête et me fendis le cuir chevelu comme si je m’étais coupé sur un yatagan. Un pharmacien de la rue de Vaugirard, un pur produit de l’imagination de René Clair occupé à embouteiller des sangsues, s’interrompit le temps de me raccommoder à contrecoeur. Après quoi je me rendis dans une brasserie du voisinage pour y prendre un fortifiant. Là, le regard plongé dans le décolleté d ela patronne de l’autre côté du zinc, se trouvait un sculpteur anglais méditatif nommé Noel Desuetude qui me confondit aussitôt avec l’un de ses vieux compagnons de l’époque où il fréquentait Montparnasse. En d’autres circonstance,s j’aurais pu lui expliquer ma façon de penser, mais il eût été stupide de me faire assommer dans mon état et je décidai de céder à son caprice. Cenpendant, lorsqu’il tendit le bras vers le menu, je jouai mon va-tout.
— Au Kenya ? dit-il, l’air penaud. (...)


Et c’est ainsi que Mercure est grand...

S. J. Perelman Un pékin en Agrique. Préface de Dorothy Parker. Traduction Thierry Beauchamp . — Paris, Wombat, 239 pages, 18 €

Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

Ajouter un rétrolien

URL de rétrolien : http://www.alamblog.com/index.php?trackback/4504

Haut de page